Commençons par une définition : le boycott, ou boycottage, est le refus systématique de consommer les produits ou services d’une entreprise ou d’une nation. Autrement dit, c’est le refus d’acheter ou de participer à quelque chose pour des raisons politiques. Le boycott fait partie des actions dites non-violentes que les citoyens peuvent utiliser dans le cadre d’une lutte sociale et/ou écologique.
Un boycott peut avoir plusieurs objectifs : faire perdre de l’argent à une entreprise, déstabiliser l’économie d’un pays, entacher de façon durable la réputation d’une entreprise, faire retirer un produit du marché, mettre fin à une pratique, etc. Le boycott peut aussi s’appliquer à des évènements (comme des élections par exemple).
Histoire du boycott en France et dans le monde
Le concept de boycott existe depuis très longtemps mais le terme n’apparait qu’en 1880, suite à l’exclusion sociale de Charles Cunningham Boycott par les fermiers irlandais. Le mec se comportait tellement mal avec ses fermiers que ceux-ci ont décidé de ne plus s’occuper de ses terres, livrer son courrier, ni même lui parler. Finalement, Charles Boycott a quitté la région.
Le boycott envers une nation (comme par exemple l’appel au boycott des produits français au Moyen Orient) est un procédé qui a été souvent employé dans l’Histoire. Cependant, les conséquences politiques et économiques de ce type de boycott sont extrêmement complexes à analyser.
Quant au boycott envers une marque ou une entreprise, il est beaucoup plus restreint et ne conserve parfois que quelques produits. Il peut cependant avoir lui aussi des conséquences économiques importantes : soit par une perte direct d’argent, soit parce que la réputation de l’entreprise est entachée, ce qui entraine in fine une baisse des des bénéfices.
Quelques exemples de boycott célèbres
- Au Québec en 1837, le boycott par les Québécois des produits importés d’Angleterre (ex : le rhum, l’eau-de-vie, le thé…)
- En 1900, le boycott des cigarettes Janovski suite au licenciement de 45 jeunes filles juives (le patron a finalement réembauché les jeunes femmes)
- En 1930, en Inde, l’appel au boycott du Mahatma Gandhi contre les produits de l’Empire britannique
- En 1955, le boycott des bus Montgomery suite à l’affaire Rosa Park et à l’appel de Martin Luther King.
On pourrait aussi parler du boycott de la vodka russe (2013), des oranges de Florides (2001), des vins français (2003), du Roquefort (2012) ou du foie gras (2012) aux USA, etc. Les exemples sont très nombreux ! A chaque fois, le boycott a été organisé en réaction à une décision politico-économique jugée inacceptable par la partie opposée. Par exemple, le boycott du vin français par les américains en 2003 faisait suite au refus de la France de s’engager dans la guerre en Irak. Et ce boycott a eu un réel impact économique sur la filière viticole française et sur l’économie de la France avec une perte estimée à 112 millions de dollars.
Ce fut le cas par exemple du boycott envers Nestlé dans les années 1980 et jusqu’au début des années 2000. Cela faisait suite à une vive polémique autour des substituts au lait maternel qui auraient causé la mort de nourrissons. A l’inverse, le boycott de Danone lancé par les ouvriers et ouvrières de LU en 2001 suite à un plan de licenciement a été un échec…
Que dit la loi ?
En France, l’appel au boycott peut être passible d’une condamnation depuis 2010. En effet, tout appel au boycott des produits d’un pays (par exemple l’appel au boycott des produits israéliens en 2014 par BDS) est considéré comme une “provocation publique à la discrimination envers une nation”. Des faits punis d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. En revanche, c’est encore autorisé pour le moment d’appeler au boycott d’une marque ou d’un produit d’une entreprise.
Pour réussir, un boycott doit avoir de faibles conséquences sur les individus
Comment expliquer que certains ont été des succès, et d’autres non ? Selon Americus Reed, professeur de marketing à l’université de Pennsylvanie, le succès d’un appel au boycott repose sur deux paramètres. D’une part, l’évènement déclencheur doit être à la fois visible et très grave. Malheureusement, notre surexposition à l’information et la multitude de mauvaises nouvelles qui nous tombent chaque jour sur le coin de la tronche entraine une banalisation des “évènements grave”, en particulier quand tout cela est loin de nous. D’autre part l’application du boycott doit avoir de faibles conséquences financières et psychologiques pour les consommateurs.
Cette faible conséquence sur les consommateurs, cela se traduit notamment par la possibilité de trouver des produits de substitution (par exemple, remplacer le Nutella par le Nocciolata). C’est pourquoi l’appel au boycott des produits fabriqués en Chine par des marques qui exploitent des Ouïgours a peu de chance d’avoir un réel impact sur les entreprises concernées (Acer, Adidas, Amazon, Apple, ASUS, Bosch, Dell, Electrolux, Google, HP, HTC, Huawei, Microsoft, Nike, Nintendo, Nokia, Panasonic, Samsung, Siemens, Sony, Xiaomi, etc. ), mise à part une réputation un peu plus ternie.
Le temps est un élément déterminant dans la réussite d’un boycott
Pour Jasmine Lorenzini, qui codirige le projet «Political consumerism in Switzerland», la temporalité joue également un rôle majeur dans la réussite d’un boycott : un objectif très ciblé, sur un temps court, aura probablement un meilleur résultat qu’un objectif plus flou sur un temps long.
Pour revenir sur l’exemple du boycott des cigarettes Janovski, les militants et militantes ont obtenu gain de cause parce que la pression a été extrêmement forte pendant un court laps de temps, ce qui été intenable pour l’entreprise. Alors que les retombées d’un boycott des tomates en hiver, de l’huile de palme ou du chocolat seront bien plus difficiles à mesurer. Mais cela ne veut pas dire que ce type d’action sur le long terme n’a aucun effet ! Le boycott de la viande par une partie de la population, par exemple, a directement contribué à la baisse de consommation mondiale et a un changement en profondeur des mentalités.
Pourquoi un boycott échoue-t-il ?
Outre le manque d’alternatives disponibles, les conséquences psychologiques ou un temps trop long, d’autres facteurs peuvent expliquer l’échet d’un boycott. Selon Ingrid Nyström et Patricia Vendramin, autrices du livre Le Boycott (2015), l’inefficacité d’un boycott peut s’expliquer par :
- le nombre insuffisant de personnes impliquées pour faire levier sur les entreprises,
- le laps de temps trop court des actions pour avoir un impact,
- le processus de fidélisation des consommateurs qui les dissuade de tester des produits de substitution,
- le désir de consommer quels que soient les impacts directs et indirects des achats effectués.
Heureusement, selon Olivier Esteves, maitre de conférence à l’Université Lille 3, il ne faut pas sous-estimer la dimension symbolique d’un appel au boycott, même si celui ne rencontre pas le succès escompté !
Du boycott au buycott
Si vous êtes adeptes du boycott, vous pouvez rejoindre la plateforme citoyenne participative i-boycott. Le site permet à chacun·e de mettre en place ou de rejoindre une campagne de boycott (contre Cola-Cola, Marineland, Nike, Starbucks, etc.). L’équipe d’I-boycott se charge ensuite de contacter les entreprises pour obtenir des réponses ou une prise de position sur tel ou tel sujet. Dernièrement, face à la pression des internautes, le Zoo de Fréjus s’est engagé pour le bien-être animal.
Quelles marques, quelles entreprises doit-on boycotter ? Je vous mets en fin d’articles 2 articles avec une liste de marques. Toutes les grandes entreprises (ou presque) sont climaticides, nuisent à la planète et aux humains. Qu’elles vous vendent des vêtements, des services, des téléphones, de la nourriture, des livres ou tout ça à la fois, ces entreprises ne font pas des millions de dollars de bénéfices sans détruire la biodiversité et exploiter des être humains au passage. Amazon, les groupes Coca-Cola, Pepsico, Mars, Unilever, Zara, H&M, le groupe LVMH, etc. Toutes ces marques exploitent les ressources de la planète sans aucune vergogne et maintiennent leurs employé·e·s dans des conditions de travail inacceptables.
👉 Pour en savoir plus sur la fast fashion : Pourquoi adopter la mode éthique ?
Le buycott : acheter pour soutenir
A l’inverse du boycott, qui consiste ne pas acheter certains produits, le buycott permet de soutenir un modèle économique différent en achetant uniquement certains produits. Manger local et/ou bio peut donc s’apparenter au buycott. Les deux actions se rejoignent car elles ont un objectif commun : montrer aux entreprises ce que nous voulons. La différence est plutôt dans la temporalité, puisque le buycott s’inscrit dans la durée.
Conclusion
Dans tous les cas, un appel au boycott sera plus efficace combiné à d’autres modes d’actions, par exemple des manifestations. Si on reprends l’exemple des Ouïgours, l’appel au boycott s’est accompagné d’une mobilisation politique et médiatique, de manifestations et de pétitions, et ce sont toutes ces actions combinées qui pourront faire bouger les choses (même si y a encore du taf, on va pas se le cacher).
Personnellement, je pratique le boycott et le buycott. Je boycotte autant que possible les grandes entreprises (comme Amazon ou les GAFAM). Et en parallèle, je soutiens les petits commerçants et les alternatives responsables (j’ai changé de moteur de recherche par exemple). Je préfère manger bio que conventionnel, je choisis de manger français, j’évite les chaines de restaurants, etc. Même si je ne suis pas sûre que cela change quelque chose, je me sens mieux en agissant en accord avec mes valeurs.
Et vous, que pensez-vous du boycott ? Est-ce que vous le pratiquer au quotidien ?
🔎 SOURCES
Article wikipedia
Vidéo “Le boycott est-il efficace ?” de Demos Kratos (2018)
“Le boycott, une arme non-violente à l’efficacité mitigée”, Huffingtonpost, 05/10/2016
“Le boycott est l’arme du faible contre le fort”, Libération, 01/09/2014
“Du boycott au buycott, comment les consommateurs peuvent-ils agir ?”, Le Temps, 11/05/2019
Extrait du chapitre 4 “Les critères d’efficacité d’un boycott” du livre Le Boycott, de Ingrid Nyström, Patricia Vendramin (2015)
“Le boycott, une arme citoyenne non-violente” dans la revue Alternatives non-violentes
“Quelle est l’efficacité économique des appels au boycott ?“
“Le mur de la honte : les 83 marques qui exploitent des Ouïgours” dans le magazine Adaptation
“Les marques que je ne consomme plus” sur le blog Planet Addict
“37 marques que je boycotte et pourquoi” sur le blog de Manon Lecor